Le trait schizoïde
Dernière mise à jour : 14 déc. 2021
« Je suis inadapté », « je ne comprends pas les codes, les réactions, les façons de penser des autres », « je suis bien mieux et bien plus en sécurité seul », « les autres sont souvent faux, bruyants et envahissants ».
La semaine dernière nous avons abordé ce que certains courants de psychologie nomment le trait "Passif-agressif" Aujourd’hui, nous verrons les différents aspects que peut revêtir le trait appelé “Schizoïde”.
Comment ce trait fonctionne-t-il au quotidien ?
Les mots qui décrivent souvent ce fonctionnement sont « originale », « bizarre », « indifférent », « distant », « solitaire », « timide ».
Que ce soit dans le cadre professionnel ou personnel, il semblerait que la personne préfère de loin être seule, plutôt qu’accompagnée. Elle parle peu et se tient en marge des regroupements et des temps collectifs.
Peu à son aise avec le conflit et les émotions, elle cherche à éviter les conversations houleuses, les débats, voire les rapprochements physiques, qu’elle vit parfois comme désagréable.
Son attitude générale semble indiquer qu’elle souhaite éviter d’entrer en relation (réponses laconiques, regards fuyants, signes corporels de protection, d’agitation ou de retrait).
Seules quelques rares personnes semblent être entrées dans cette apparente forteresse, (ami, parent, collègue) ; avec lesquelles la personne accepte l’échange et le partage.
Très sensible à toute situation « d’envahissement », ce trait peut réagir très fortement quand nous entrons dans son périmètre (physique ou de compétence) sans prévenir et sans autorisation.
Elle semble également se désintéresser des formes habituelles de reconnaissance sociale, tels les remerciements, les compliments, les promotions.
Son quotidien semble régi par des habitudes, des rites, voire des rituels qu’elle respecte scrupuleusement et qu’elle déteste devoir modifier par quelqu’un ou quelque chose.
Elle est nourrie de centres d’intérêt et d’activités solitaires, souvent mystérieuses, desquelles elle possède une connaissance étendue.
Ses choix vestimentaires, langagiers, comportementaux (hygiène, organisation) sont en décalage avec les codes ambiants.
Sur quel système de croyance se déploie ce trait ?
« Je suis inadapté », « je ne comprends pas les codes, les réactions, les façons de penser des autres », « je suis bien mieux et bien plus en sécurité seul », « les autres sont souvent faux, bruyants et envahissants ».
Le comportement des autres est un mystère. Incongru, irrationnel, imprévisible et du même coup excessivement dangereux.
Certains codes sociaux défient l’éthique, la logique et la morale : les formules de politesse et de bienséance paraissent régulièrement incohérentes ou très hypocrites.
La personne passe souvent de nombreuses années à se sentir inadaptée et stupide (« c’est sans doute parce que je suis trop bête que ne comprends pas »), jusqu’à ce qu’avec l’âge, elle finisse par abandonner et se réfugier dans une forteresse imprenable.
« La nature, les animaux et les ordinateurs sont de bons compagnons. Ils respectent mon espace ».
D’où cela vient-il ? (Ambiance originelle)
Génétique ou environnemental, les théories abondent pour expliquer les sources de ce fonctionnement. Pesticides, champs électromagnétiques, perturbateurs endocriniens, hyperactivité parentale…
Tant d’éléments nouveaux sont venus habiter notre quotidien ces 50 dernières années, qu’il est difficile de trouver une explication unique qui pourrait expliquer ce fonctionnement très en marge des comportements sociaux habituels.
Très petit et alors que les autres enfants se battent pour récupérer le ballon de foot tant prisé pendant la récré, celui ou celle-ci restera complètement accaparé par le chemin qu’empruntent les fourmis entre la fourmilière et un trou dans le mur ou les virvoletements des feuilles au gré du vent.
Ne répondant pas nécessairement aux sollicitations, certaines théories ont avancé des formes de handicap physiques (surdité, troubles visuels, déficience proprioceptive).
Très tôt en effet, la personne semble voir, sentir et interagir très puissamment avec des choses ou des éléments.
Extrêmement sensible à l’environnement, elle construit rapidement des formes de repli intérieur et des rituels pour se couper des sollicitations extérieures qui souvent la heurtent.
Quel nom porte ce trait dans d’autres grilles de lecture ?
Pour sa recherche de connaissance sans limite sur certains sujets, le fonctionnement de ce trait peut ressembler au INTP du MBTI.
La difficulté de lecture émotionnelle et la prédilection de la posture d’observation à celle de participation, peut lui faire ressembler au 5 de l’ennéagramme.
Selon le contexte dans lequel ce trait évolue, il pourra tour à tour fonctionner en beige (isolement de survie), en jaune (développement solitaire de paradigmes) ou en vert (réseau distant et interconnecté) en spirale dynamique.
Ce trait cumule souvent plusieurs formes d’hypersensibilité. Il voit et sent des choses que les autres ne semblent pas percevoir. La captation sensorielle et émotionnelle est très sensible, tout comme l’est souvent aussi la sophistication de l’imaginaire.
« Zèbres », « haut potentiel intellectuel » (laminaire ou complexe) et « intelligences atypiques » se retrouvent régulièrement chez ce trait. Ces particularités de fonctionnement sont régulièrement découvertes tardivement (ou jamais) du fait du peu d’interactions sociales qu’entretient ce trait.
Pour ces raisons, l’attachement à un environnement professionnel et affectif immuable et la sécurisation quotidienne dans des rituels, ce trait partage beaucoup de comportements communs avec certaines formes d’autisme.
Ou les trouvons-nous ?
Ce trait est peut-être celui qui est le plus en développement dans la société occidentale actuellement.
L’appétence pour des activités pointues, solitaires et imaginatives lui donnent de nombreux débouchés dans les activités du numérique et du « à distance ».
Les bibliothèques, les postes de magasiniers, d’archive…Que ce soit dans l’industrie ou dans l’administration, ces profils de travailleurs autonomes, solitaires et peu carriéristes occupent souvent les postes jugés fastidieux ou peu intéressants par les autres.
Les travaux de recherche au long court, dans les universités ou les cabinets spécialisés, offrent également des places confortables de repli, idéal pour investir la concentration et la solitude que ce trait affectionne.
En quoi ce fonctionnement est-il difficile ?
La distance relationnelle : il est souvent difficile et frustrant d’entrer en lien avec ce trait qui maintient longtemps hermétique ses barrières. Il est commun de se sentir seul et désarmé face à tant « d’indifférence ».
Difficultés de communication : l’art de la communication repose beaucoup sur ce que nous appelons l’intelligence émotionnelle : notre capacité à reconnaître nos émotions et à « synchroniser » avec celles de l’Autre.
Ce trait qui a souvent peu d’expérience relationnelle, a également peu expérimenté ce travail d’identification émotionnelle, rendant sa communication étrange ou agressive.
« Bizarrerie » : les goûts, les comportements et les habitudes de ce trait peuvent donner l’apparence d’étrangeté. Décuplé par son désintérêt des codes sociaux et son fonctionnement solitaire, il n’est pas rare que ce trait ait des coutumes vestimentaires ou d’hygiène très différentes des standards usuels.
Bouc émissaire : sa « différence » apparente, son incompréhension des enjeux relationnels du quotidien et son manque de répartie en font souvent le sujet de moqueries ou de persécutions.
L’oubli : si ne nous y prenons pas garde, nous pouvons littéralement oublier l’existence de cette personne (souvent pour sa plus grande joie) et ainsi ne pas le convier aux temps de regroupement, aux échanges individuels.
Résistance au changement : tout ce qui vient perturber le ronronnement du quotidien génère de grandes déstabilisations et s’accompagnent de réactions instinctives d’agitation, de repli ou de colère.