« Seul.e, je suis incomplet.e », « j’ai besoin de rencontrer l’Amour, une connexion, un protecteur », « je dois me faire remarquer, être reconnue, apprécié.e à tout prix », « je ne suis pas aimable »
Comment ce trait fonctionne-t-il au quotidien ?
Regardez-moi, aimez-moi ! Une appétence, voire une compulsion à être au centre de l’attention et à théâtraliser le quotidien.
Les expressions « les hauts et les bas » ou « le jour et la nuit » nomment souvent ces revirements spectaculaires de comportements, le fonctionnement « versatile » et « cyclothymique » de la personne.
Utilisant toutes les stratégies pour accaparer les sens, ce trait histrionique est l’art « d’en faire trop ».
Qu’il soit porté par le féminin ou le masculin, le trait amène la personne à des excès : trop de maquillage, de parfum, d’éclats de rire tonitruants, de couleurs, de provocations.
Les comportements oscillent entre l’excessif et l'extrême.
Comme l’attention de l’auditoire, la possession de l’Autre ou du territoire doit être totale et exclusive. L’arrivée dans le bureau ou dans le cercle d’amis d’une nouvelle et jeune personne charmante s’accompagne souvent de crises de jalousie, de furie ou de scènes de désespoir inconsolable.
La personne peut alors devenir odieuse ou bien user de stratégies de diffamation, de plaintes, d’humiliation pour évincer la concurrence.
Parmi les stratégies communément utilisées pour obtenir et maintenir les regards : la séduction. Les rapprochements physiques, les contacts visuels appuyés, les « sur-réactions » encourageantes, transmettent le message de l’attraction ou de la possibilité de rapprochement sentimental ou sexuel.
Le possible et le doute planent.
Pas de demi-mesure. Les réactions et les discours sont « limbiques », c’est-à-dire majoritairement émotionnels : « j’aime », « j’adore », « je hais », « je déteste ». Il y a souvent peu d’arguments rationnels derrière ces réactions.
Quand les esclandres, le scandale, la plainte, les remarques déplacées ne fonctionnent plus ou que l’exaspération commence à gagner l’auditoire, c’est le repli, la disparition ou la rupture brutale de lien.
Passer de « la plus belle des personnes » au « pire des salops » est fréquent avec ce trait qui éprouve souvent le sentiment que les autres trahissent sa confiance, sa gentillesse, sa bonté.
Quand elle décide de rompre les ponts, la personne ne répond plus aux questions, aux messages, aux mails durant un lapse de temps variable, selon la gravité de la « faute commise ».
Elle peut donc disparaître et éviter le contact de façon systématique et sans nécessairement donner explication de son changement d’attitude.
La forte sentimentalité est grandement inspirée par le mythe de l’âme sœur, qui pousse la personne à chercher, à voir et à trouver le.a prince.sse charmant.e, la moitié d’orange, cet « Autre parfait » qui saura enfin le ou la compléter.
Le vide, le silence, la solitude, voire le calme sont difficiles à supporter pour ce trait qui appelle aux mots, aux bruits, au trouble. Quand le vide existentiel se fait trop intense, l’automédication est fréquente.
Il est fréquent également que ce trait dérive vers une certaine obsession quant au regard des autres et à la recherche de « perfection esthétique ».
Cela peut alors s’accompagner de troubles alimentaires (anorexie/boulimie) ou de formes d’automutilation (scarification, formes de sadomasochisme).
Sur quel système de croyance se déploie ce trait ?
« Seul.e, je suis incomplet.e », « j’ai besoin de rencontrer l’Amour, une connexion, un protecteur », « je dois me faire remarquer, être reconnue, apprécié.e à tout prix », « je ne suis pas aimable », « ce n’est qu’une question de temps avant que l’Autre se lasse, parte », « vivre seul.e serait plus facile, mais c’est intolérable » « le monde et les gens sont horriblement moches et tristes. Pourquoi la vie ne se passe-t-elle pas comme dans les romans d’amour ? ».
Bien que l’obsession de ce trait soit très portée sur l’apparence des personnes et la sienne, l’impact qu’il ou elle tente de générer vise souvent un même but : l’Amour. Être reconnu.e par l’être aimé.
Un sentiment d’incomplétude accompagne souvent ce trait avec la croyance que cet autre parfait saura combler le vide, saura le ou la compléter.
L’Autre est alors « idéalisé » c’est-à-dire, placé sur un piédestal. Néanmoins, ce pied rappelle un destin tragique : « il ou elle est trop bien pour moi, trop parfait, je ne suis pas à sa hauteur ».
« Quand il ne sera plus captivé par mon pouvoir de séduction, il partira ». L’abandon est une menace constante.
D’où cela vient-il ? (Ambiance originelle)
Personne mise en avant dès l’enfance et valorisée pour son apparence au détriment de sa vie intérieure. Jolie petite fille ou petit garçon, exposé au regard comme un objet de fierté tant qu’elle ou lui correspondait aux attentes de conformité, de silence, « sage comme une image ».
Délimitation des places familiales peu clair, rivalité entre mère et fille pour obtenir l’attention du père.
Climat incestuel ou incestueux direct (des parents) ou indirect (transmission trans-générationnelle). Situations d’abus.
Ou les trouvons-nous ?
Pour leur grande capacité à capter l’attention et à générer du lien à l’Autre, nous retrouvons ce trait dans l’ensemble de la société.
Les métiers du spectacle et du divertissement offrent souvent un contexte très propice à leur expressivité.
Parmi les compétences régulièrement appréciées et recherchées par les services commerciaux et RH, le dynamisme, le charisme et la facilité de contact. Ces aptitudes sont également fortement reconnues dans les métiers de la vente.
Le prêt-à-porter, la cosmétique, l’esthétique et le monde de la mode offrent souvent des contextes en adéquation avec le système de valeur de ce trait.
En quoi ce fonctionnement est-il difficile ?
L’instabilité explosive : les hypersensibilités et hyper réactivités stupéfiantes sont monnaies courantes avec ce trait qui peut ainsi nous faire vivre dans l’appréhension constante de « la prochaine scène ».
L’intrusion : poussée par son besoin de proximité et de rapport exclusif, la personne peut tenter par ces questions et ses incitations à la confidence à s’immiscer dans notre vie privée.
Le mélange des genres : souvent débordé par son impulsivité, ce trait a tendance à bousculer les codes usuels de hiérarchie ou de séparation pro/ perso, ramenant régulièrement confidences ou comportements intimes et familiers dans des espaces non prévus à cet effet.
Les ruptures : qu’elles prennent la forme d’une crise explosive ou d’une disparition inexpliquée, les éloignements soudains marquent souvent la cohabitation avec ce trait.
Les mises en danger : après une déception amicale ou amoureuse, ce trait peut littéralement s’abandonner au désespoir et frôler la mise en danger à travers des conduites à risques (médicament, drogue, sexe).
L’exclusivité et la jalousie : être le ou la meilleur.e aux yeux de ce trait revêt un lourd tribu : celui de ne pouvoir « appartenir » à personne d’autre. Amis, famille, activité. Tout autre temps passé hors de la relation à la personne peut être compris comme un désintéressement ou une trahison.
Jamais suffisant : Les témoignages, les preuves d’affection, d’engagement, de temps produisent souvent le même effet qu’une drogue. Un soulagement temporaire suivi d’un besoin de dose plus forte.
Que faire avec quand nous sommes en relation ?
Maintenir une distance affective : Un point de vigilance à la fois difficile et nécessaire avec ce trait est de maintenir une distance affective de sécurité.
C’est-à-dire d’être au clair quant à ce que nous acceptons d’accueillir et de transmettre en termes de confidences et régulièrement recadrer : « je préfère ne pas en savoir autant sur ce sujet. Merci pour ta confiance », « j’ai besoin de garder mon jardin secret ».
Anticiper les tensions : les hypersensibilités sont nombreuses chez ce trait et peuvent avoir tendance à l’envahir et la remplir d’émotions débordantes. Repérer les situations et/ou les cycles afin de notifier à la personne sa montée en pression, son agitation.
« Je perçois beaucoup d’intensité, comment te sens-tu ? ».
Rationaliser : L’appréciation des situations est majoritairement, voire exclusivement émotionnelle. « Que s’est-il passé exactement, quel mot a été utilisé, quel acte concret t'as affecté ? » sont des questions qui permettent à la personne de prendre du recul et d’associer ses débordements avec des éléments tangibles.
Rassurer : Le besoin d’être reconnu par l’Autre est souvent intense chez ce trait. La problématique vient souvent du fait que la personne se sent valorisée par son apparence ou ses esclandres.
Avec fréquence, nommer les qualités et compétences que nous lui reconnaissons de façon factuelle. Plus tangible, concret et précis est le compliment, plus rassurant sera son effet.
Valoriser les comportements adaptés et modérés : Du même ordre, demeurer indifférent aux réactions émotionnelles mais très valorisant chaque fois que la personne a un comportement adapté, fera passer le message qu’elle peut être appréciée sans en faire autant, quand elle respecte le cadre.
Rôle de la société dans l’apparition de ce trait ?
« Histrionique » est le mot qui est venu remplacer le mot « hystérique », initialement attribué aux comportements émotionnels intenses à la fin du XIXème siècle.
A cette époque, Charcot émettait l’hypothèse que les revirements de comportements étaient dus à des retournements de l’Utérus. C’est pour traiter ce trait que Freud et Breuer ont développé la fameuse technique de « psycho-analyse ».
Ce trait incarne souvent le rôle déprécié ou objectalisé du féminin dans notre société.
« Femme-enfant », « femme-objet », ses comportements correspondent souvent au rôle de femme séductrice, d’apparat ou superficielle, ne trouvant existence qu’auprès d’un mâle dominant et protecteur.
Plus profondément enraciné dans l’imaginaire et l’inconscient collectif occidental, l’image du féminin est associée à l’obscur, au danger, au péché.
Dans la culture judaïque, avant l’apparition d’Eve, c’est la sorcière Lilith qui tente de corrompre Adam et qui s'associe ensuite aux démons.
Dans le Coran, Aïcha, instigatrice de la fameuse « révolte du dromadaire » en l’an 40, génère l’actuelle division entre sunnites et chiites.
Dans la tradition chrétienne, Eve est la cause du péché originel qui vaudra la déchéance de l’humanité de l’Eden.
Ce trait porte très régulièrement, dans son histoire personnelle ou familiale, les séquelles de sévices, de violences et d’abus, peut-être en lien avec cette dépréciation inconsciente et latente de la femme et de la sexualité.
Comble d’un symptôme de suicide sociétal : maltraiter une femme, c’est blesser la génération future qu’elle porte en son sein.
Comble d’un symptôme de suicide civilisationnelle : la maltraitance des mères paraît être à l’image de la maltraitance de la première d’entre elles, la « Terre-mère ».
Quel nom porte ce trait dans d’autres grilles de lecture ?
Pour l’énergie, la spontanéité et l’enthousiasme, ce trait peut ressembler au ESFP du MBTI.
Pour le rapport au manque, au romantisme et à la théâtralité, l'histrionique est similaire au type 4 de l’ennéagramme.
Le style d’attachement oscille principalement entre le style anxieux (besoin perpétuel de rassurance) et désordonné (alternance de moments de fusions et de ruptures).
Les sensibilités sont plus régulièrement émotionnelles et sensorielles même si nous retrouvons l’ensemble du spectre hypersensible chez ce trait.
Les 3 réactions reptiliennes s’observent chez ce trait : la fuite (agitation et besoin de contrôle), la lutte (opposition et confrontation) et le repli (refuge dans la solitude et le silence).
Pour aller plus loin
Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM IV), American Psychiatric Association, Washington, 2000.
Questionning the coherence of histrionic personality disorder. Borderline and hysterical personality subtypes in adults and adolescents, P. Blagov, D. Western, 785 – 798, Nerv Ment Disease, 2008.
Histrionic personality disorder and antisocial personality disorder : sex-differentiated manifestations of psychopathy, EM Cale, SO Lilienfield, P 52 – 72, Pers Disord, 2002.
La semaine dernière nous avons abordé le trait Narcissique.
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