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Pour une culture de la joie

Quand il s'agit de comprendre pourquoi certains éléments d'un groupe se retrouvent mis à l'écart, il faut souvent interroger le processus de constitution du groupe lui-même :


Les valeurs et comportements qui représentent ses fondements, son ciment et son idéal.


En effet, familles comme sociétés respectent une même mécanique de normalisation que le "prince des mathématiciens", Johann Gauss, a représenté par sa célèbre courbe.


La mécanique est la suivante :

1) Celles et ceux qui possèdent le plus de comportements, d'aptitudes ou de valeurs, considérés comme "idéal" deviennent des "élus". 2) De façon antagoniste, celles et ceux qui présentent le moins de similitudes avec ces caractéristiques deviennent des "rebuts". 3) Une fois ces deux extrémités désignées, se dessine alors un point médian, une norme. Dans un groupe, la corrélation est donc forte entre "comportements modèles", établissement d'une norme et dynamique de discrimination. Prenons quelques exemples dans notre société :


Vouloir être le meilleur à tous prix (1), se méfier de tous et ne faire confiance en personne (2), s'inquiéter de tout et vouloir tout anticiper (3), vérifier et chercher inlassablement à ce que tout soit parfait (4), sont des attitudes que nous rencontrons fréquemment.


Ces comportements incarnent d'ailleurs des sacerdoces professionnels, des stratégies économiques, des critères de recrutement, des normes sociales.


Quand elles s'inscrivent dans un fonctionnement équilibré, c'est-à-dire quand elles peuvent être discutés et négociés au sein d'un groupe (famille, société), ces 4 attitudes sont de précieux atouts pour la collectivité :


Moteur (1), défenseur (2), protecteur (3), organisateur (4).


Toutefois, quand la communication se perd au sein du groupe et qu'il devient difficile pour ses membres de réellement pouvoir "se mettre à la place de l'Autre" et de comprendre sa perspective, commencent alors à apparaître les maladies.


Un comportement "pathologique" est évalué habituellement au regard de 3 critères : le comportement est-il dangereux pour la personne elle-même ? Pour son entourage direct ? Pour la société en général ?


(1) La combativité à outrance (trouble du type-A) nous amène souvent à considérer le monde comme un champ de bataille binaire où s'affrontent des êtres forts qui imposent leurs visions à des êtres faibles.


La compétition, le classement et la productivité deviennent si essentiels que l'Autre se résume alors soit à un objet "utile" et méritant donc d'être employé ou bien un inutile ne présentant aucun intérêt.


Exemple de groupe affichant ce type de fonctionnement :


Marchés financiers et trading.


Public mécaniquement exclu : toute personne présentant une forme de "vulnérabilité" (hypersensibilité, handicap social, physique, mental...).


(2) Se sentir constamment menacé par les autres (trouble paranoïaque) peut nous amener à penser qu'il n'y a autour de nous, que des ennemis complotant et dissimulant. L'élaboration de stratégies complexes et secrètes sont de rigueur.


Exemple de groupe affichant ce type de fonctionnement :


ministères de défense, de l'intérieur, services secrets.


Public mécaniquement exclu : toute personne présentant une forme de "différence" de coutume, de point de vue, d'idéologie.

(3) Quand l'inquiétude et la sensation de danger imminent deviennent permanentes (trouble anxieux), nous ne percevons des situations, du monde et de l'avenir que des risques potentiels desquels nous devons nous protéger.


Exemple de groupe affichant ce type de fonctionnement :


certains médias télévisuels, radiophoniques ou papiers.


Public mécaniquement exclu : toute personne présentant une forme de "lâcher prise" ou de choix d'attention portée sur "le positif".

(4) Quand le contrôle, la rigueur et l'insatisfaction deviennent constants (trouble obsessionnel), l'erreur se confond en faute, générant une progressive rigidité, des formes très généralisées d'épuisement et la construction de protocoles toujours plus intransigeants.


Exemple de groupe affichant ce type de fonctionnement :


tous secteurs d'activité confondus.


Public mécaniquement exclu : toute personne adhérant à l'idée que le progrès ou la perfection sont des données relatives et que bien souvent "le mieux est l'ennemi du bien".


Pourquoi est-il donc si important de réguler ces 4 attitudes (pour ne citer que celles-ci) ?


D'abord, et mise à part le fait que ces troubles peuvent tous mener à la psychose (déconnexion partielle ou totale de l'analyse rationnelle des situations), ces attitudes sont principalement motivées par la peur :


Peur de ne pas avoir de valeur (1). Peur d'être persécuté (2). Peur de la catastrophe imminente (3). Peur d'être jugé et exclu (4).


Loin d'être négative en soi, la peur, comme toutes les autres émotions, agit simplement comme un indicateur et un aimant :


À mesure que des angoisses intérieures accaparent l'attention d'une personne, celle-ci rencontre toujours autour d'elle des raisons pour les justifier, exemples :


À considérer la relation comme une compétition, n'apparaissent autour de nous que des "adversaires".


À considérer les autres comme des ennemis, n'apparaissent autour de nous que des "fourbes".


À considérer le monde et l'avenir comme dangereux, ne nous parviennent que des informations "inquiétantes".

À considérer les choses comme insatisfaisantes et imparfaites, tout devient source de frustration et de rancœur.

Le second problème posé par ces attitudes, surtout quand elles sont érigées en modèle, est qu'elles ne sont pas humaines.

En effet, la toute puissance (Apollon, Zeus), l'invincibilité (Jupiter, Hercules), la clairvoyance (Sibylle, Cassandre) et la perfection ("ce qui est parachevé" : Dieu) sont des caractéristiques exclusivement divines.

Désirant consciemment ou inconsciemment incarner ces caractéristiques, nos élites semblent se référer à des modèles qui, par définition, ne favorisent pas l'empathie avec la simple "condition humaine".

La sociopathie est donc bien souvent une toile de fond psychologique au fonctionnement en "élite" : une grande difficulté voire l'impossibilité d'éprouver de l'empathie envers un groupe ou l'humanité toute entière.


La compétitivité (rapport à la force), la paranoïa (rapport à la méfiance), l'anxiété (rapport à la prévoyance) et le perfectionnisme (rapport au contrôle) trouvent des attitudes psychologiques comparables chez des groupes humains depuis, pour le moins, 2500 ans.


Nous les observons dans toutes les cultures, tous les endroits du globe et à toutes les époques.


À la vue des découvertes archéologiques de ces 50 dernières années, elles ne semblent par contre en rien être des fatalités.


De nombreuses sociétés humaines contemporaines à ces différentes époques ont observé d'autres type de comportements, de valeurs et de modalités d'organisation.


En finalité, ces attitudes ne représentent donc rien de toxiques en elles-mêmes, dans la mesure où elles trouvent leurs justes contrepoids pour les réguler.

Comment faire ?


Comme nous l'avons vu, le soubassement de ces attitudes est principalement une culture de la peur, générant les cultes bien connus de pouvoir (peur de l'impuissance) et de possession (peur de la perte).


Combien de générations faudrait-il à notre société pour évoluer vers un nouvel équilibre, si nous investissions dès aujourd'hui et massivement dans une culture de la joie ?

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