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Le trait anxieux

Dernière mise à jour : 1 oct. 2022

“Le monde est dangereux”. La mort, la maladie, les accidents peuvent survenir à tout instant et il faut rester sur nos gardes pour y faire face quand cela arrivera.


La semaine dernière nous avons abordé ce que certains courants de psychologie nomment le trait “antisocial” ou “anticonformiste”. Aujourd’hui, nous verrons les formes que peuvent prendre le trait “anxieux”

Comment ce trait fonctionne-t-il au quotidien ?


Sursaute, se ronge les sangs, s’inquiète. L’anxiété est une peur latente qui pousse la personne à être plus ou moins en permanence “aux aguets”, à l’affût des risques et de potentiels dangers.

Bien que diffuse et souvent généralisée, la peur a tendance à se cristalliser (se focaliser) sur des objets ou des situations précises : la peur du retard fera arriver la personne avec beaucoup d’avance à ses rendez-vous, la peur de manquer l’amènera à constituer des stocks (“au cas où”), la peur de l’oubli lui fera peut-être utiliser une grande quantité de post-it ou de listes.

En cas de voyage, la peur des accidents ou des éventuels problèmes lui fera constituer une trousse à pharmacie très complète, ainsi que vérifier avant le voyage plusieurs itinéraires et la présence de cliniques ou d’hôpitaux sur le trajet et à proximité de la destination.

Les changements et les surprises sont des moments de grande tension. Un bruit = un sursaut et l’annonce d’une nouveauté tend à produire des réactions de sidération, de paralysie ou de grande agitation.

Intéressé par les nouvelles inquiétantes qu’il ou elle accumule “pour se préparer au pire”, ce trait a tendance à voir d’abord et surtout l’aspect dangereux ou grave des choses et des comportements :

Lorsque nous sommes en retard de 5 minutes à un rendez-vous avec cette personne, elle pensera sûrement que nous avons eu un terrible accident. Une toux passagère cache sans doute une pneumonie, un mal de tête, une tumeur au cerveau.

Cette vigilance concerne tant la personne elle-même que son entourage proche qui se retrouve parfois harcelé par ses constantes demandes et besoins de réassurance : “as-tu pensé à…” et “t’imagine si…”.

Sur quel système de croyance se déploie ce trait ?

“Le monde est dangereux”. La mort, la maladie, les accidents peuvent survenir à tout instant et il faut rester sur nos gardes pour y faire face quand cela arrivera.

Les autres sont bien souvent “inconscients du danger”, il convient donc de s’inquiéter pour eux aussi, quitte à empiéter un peu sur leur liberté. “C’est pour leur bien”.

L’inconnu est vécu comme dangereux en général mais le lendemain et le futur le sont plus encore. “Les signes”, “les infos”, “les pronostics” sont bien souvent inquiétants et pessimistes concernant « demain ».

D’où cela vient-il ? (Ambiance originelle)


Un accident, un décès ou une maladie soudaine, apparue dans l’entourage proche lors de l’enfance se retrouve régulièrement dans les parcours.

La proximité d’un trait anxieux (maternel ou paternel) dans ce même entourage peut générer les mêmes représentations.


Ou les trouvons-nous ?


Le trait anxieux est l'un des plus répandus dans la société occidentale de la génération X (née entre 1960 et 1980). Nous le retrouvons donc à tous niveaux de la société.

Plutôt à son aise dans des milieux peu mouvants, dans le confort du quotidien qui se répète et qui peut donc se contrôler, nous les trouverons à leur aise dans un CDI.

Les emplois mettant à l’honneur les talents d’anticipation des risques, tels que les cabinets d’assurance, de conseil ou d’audit font de bonnes « terres d’asile ».

Leur besoin de prendre soin des autres, les fait souvent s’orienter vers les métiers du soin ou de la petite enfance.

Dans le même sens, l’administration (et. “être au service de”) offre souvent un cocon réconfortant et maîtrisé.

En quoi ce fonctionnement est-il difficile ?

La vigilance permanente : les questionnements et l’anticipation constante engendrent souvent une grande tension chez la personne et dans ses relations.

Toujours à imaginer le pire : Les ruminations de scénarios catastrophes, rendent souvent difficiles tout “aller vers le nouveau” ou le différent. Les habitudes, utilisées comme des rituels rassurants, ont tendance à être inamovibles et ne souffrir aucun changement. « Mieux vaut un enfer connu, qu’un éventuel bonheur incertain ».

Se renseigner aux mauvaises sources : entre une information viable et rationnelle et une autre moins fiable et bien plus catastrophique, ce sera souvent la seconde qui sera enregistrée.

Cette recherche “dangereusement orientée” d’information fonctionne comme un carburant d’auto-justification : “quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on a bien raison de penser ce qu’on pense”.

Dans certains cas, la personne peut devenir parfaitement hermétique à toute relativisation de ses sombres perspectives.

Somatisation : maladies de peau (allergies, sécheresses, psoriasis, rougeurs), de prise de poids (pour l’excès de sécrétion de Cortisone), de douleurs articulaires (en particulier des zones corporelles très affectées par l’objet du stress : cervicales, dorsales, lombaires, chevilles, doigts et mains).

S’inquiéter pour les autres : L’inquiétude peut déborder jusqu’à devenir étouffante, anxiogène et envahissante. Tel un cercle vicieux, le rejet que la personne obtient souvent en réponse vient lui causer encore plus de préoccupations et de ruminations.

Que faire avec quand nous sommes en relation ?

Zéro surprise : la pire situation pour ce type de fonctionnement est l’événement imprévu (même heureux) qui s’est organisé sous son nez sans qu’elle s’en aperçoive, exemple : anniversaire surprise, improvisation, y compris les « blagues potaches » du type « bouh, je t’ai bien eu » sont à éviter si l’on ne veut pas sur-activer son système de vigilance.

Zéro moquerie ou « t’inquiète pas » : bien naturel de vouloir rire de ces scénarios ordinaires ou rocambolesques dont la personne vient nous faire mention. A l’identique du fameux « t’inquiète », ces boutades ont tendance à produire précisément la réaction opposée à celle que nous souhaitons obtenir.

La personne peut effectivement se dire alors « il ne prend pas au sérieux le risque, il va falloir que je m’inquiète deux fois plus ».

Rationalisation permanente : après l’écoute attentive du risque dont la personne vient nous parler, posons-lui des questions très précises concernant les faits qui appuient sa théorie ou revenir sur l’ensemble des cas analogues dans lesquels le scénario catastrophe n’a pas eu lieu.

Éviter les nouvelles inquiétantes : rendez-vous chez le médecin, récits d’accident ou de maladie sont à éviter soigneusement pour ne pas ajouter du matériel à sa caisse enregistreuse des mauvaises nouvelles.

Prévenir les changements : en cas de changement, de nouveau collègue, de nouvelles dispositions, prévoir et anticiper un ou plusieurs temps de « clarification des étapes » avec la personne pour renseigner son besoin d’information (avoir des arguments concrets à lui apporter).

Orienter sa prise d’information : orienter ses recherches vers des journaux spécialisés, techniques ou scientifiques dont les informations sont vérifiées et quantifiées.

Utiliser son super-pouvoir : en cas de projet, de nouvelle collaboration ou nouvelle activité, valoriser son sens de l’imagination du pire pour anticiper les éventuels problèmes ou risques que cette nouveauté pourrait revêtir.

Rôle du conditionnement social ?


On oublie peut-être le rôle important de ce que Jung appelait "inconscient collectif” dans la constitution des inconscients individuels. Le rôle premier de ce trait est de “veiller sur” et de “protéger les autres”. Les deux guerres mondiales qu’a connu la France ont sans doute provoqué en conséquence “une onde de choc anxieuse” sur les trois générations qui ont suivi les événements.

Le recours à la guerre ou le choix d’affrontements civils, impacte la psychologie des populations sur le long terme.

Le journalisme moderne qui s’est passablement construit sur des modèles analogues au marketing (edward Bernays), tente souvent de provoquer la sidération ou la surprise. Pour ce faire, il focalise souvent son attention et rapporte majoritairement des informations à grande valeur anxiogène ou sinistre. Il est rare de trouver un canal de journal télévisé qui ne soit pas majoritairement construit de mauvaises ou d’inquiétantes nouvelles.

Plus particulièrement en zone urbaine, les annonces “sécuritaires” permanentes, sollicitent fortement l’attention et la vigilance des personnes sur les risques qui les entourent.

Nombre d’activités humaines modernes ne sont plus administrées aujourd’hui par des décisions humaines, sinon par un calcul algorithmique de risques (d’investissement, de maladie, d’accident). Les outils de calcul de risques des cabinets d’assurance britanniques de la fin du XIXème siècle se sont intronisés dans presque tous les secteurs d’activité contemporains.


Quel nom porte ce trait dans d’autres grilles de lecture ?


Le style d’attachement est majoritairement celui désigné par le même mot “anxieux”. Ce trait s’accompagne souvent d’une incertitude permanente quant à la valeur qu’on lui accorde.

“Qu’est-ce qu’il ou elle peut bien me trouver ?”, “il ou elle est tellement meilleure que moi”. Les séparations et les départs, même temporaires, s’accompagnent souvent d’angoisses.

Peut ressembler au ISFJ du MBTI pour l’aspect protecteur et vigie attentionnée au bien-être des autres. S’apparente également au 6 de l’ennéaramme pour le besoin d’envisager le pire pour s’en préserver ainsi que pour le doute constant qui balance avec le besoin de renfort de confiance en Soi.

Hypersensibilité de type somatique ou proprioceptive : En cas de trouble, c’est le corps qui absorbe ou se tend, jusqu’à provoquer insomnies et douleurs (principalement localisées dans le dos et les mains).

« Fais attention » est l’injonction dominante, tout comme la peur est l’émotion la plus expérimentée.

Pour aller plus loin …


Voir « Trouble Anxieux généralisé » (TAG), rapport de la HAS (Haute Autorité de Santé) de juin 2007.

Comportements d’inhibition à l’enfance : un facteur de risque pour les troubles anxieux. JF. Rosenbaum, J. Biederman, EA. Bolduc-Murphy et al, Harv Rev Psychiatry, 1995.

Troubles de la personnalité et troubles anxieux, S. Arbzadeh-Bouchez, Lavoisier, P 224, 2013.


La semaine prochaine, nous parlerons du trait “passif-agressif”.


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