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Le trait Borderline

Dernière mise à jour : 4 oct. 2022

« Je suis fou ou folle », « je ne suis pas aimable et ce n’est qu’une question de temps avant que l’Autre ne s’en rende compte », « quand l’Autre saura qui je suis vraiment, il partira », « les relations sont incertaines, les gens sont peu authentiques », « je perçois des choses que les autres ne semblent pas connaître ».


La semaine dernière nous avons abordé le trait Paranoïaque Aujourd'hui nous découvrons ce que certaines grilles de lecture nomment "trait borderline".


Comment ce trait fonctionne-t-il au quotidien ?


Au quotidien, tout semble impacter émotionnellement ce trait et le faire réagir très fortement.

Les périodes ou les moments euphoriques intenses laissent place à des descentes vertigineuses de déprime et de mélancolie. Les montagnes russes.

Dans les phases « up », ce trait peut être très excité, dense, voire envahissant. Il cherche le contact, intime et exclusif à l’Autre. L’Autre est idéalisé : « confident », « moitié », « meilleur.e ami.e ou collègue » ainsi que les superlatifs « plus belle », « génial », « le seul », « parfait.e ».

Cette tendance à surinvestir la relation peut se traduire par des formes de jalousie et s’accompagner de phases de déception, des reproches, des crises de colère. L’Autre n’est jamais à la hauteur des attentes.

Le fonctionnement général est dit « versatile » ou « cyclothymique », c’est-à-dire qu’il y a des hauts et des bas qui peuvent varier sur une même journée, une même semaine, un même mois, une même heure.

Ces hauts et ses bas correspondent à des va et vient de rapprochements et d’éloignements. Sans crier gare, nous pouvons alors passer d’être la plus belle des personnes à la pire.

L’intensité des « descentes » peut être tout aussi impressionnante que les phases de « montée » ou d’euphorie.

Ces phases « down » semblent fonctionner à l’identique d’un épisode dépressif : isolement, auto-flagellation (ou auto-mutilation), consommations ou réduction de l’alimentation et de l’appétit général pour la vie.

C’est souvent dans à l’approche de moments d’éloignement physique tels les weekends, vacances, mais aussi après un conflit que s’observent de grandes montées en tension, souvent explosives, ou des disparitions inquietantes.

D’une façon générale, tout ce qui représente « la fin » de quelque chose est difficilement vécu, c’est pourquoi la personne peut rencontrer des difficultés à terminer les choses demandées ou à mettre un terme définitif aux situations ou aux relations.

La personne vit souvent dans un monde imaginaire, peu rationnel, qui lui rend difficile la compréhension des aspects très matériels de l’existence : l’argent, certaines urgences professionnelles, la hiérarchie.

Les dettes et les mensonges sont réguliers tout comme le sont les consommations (médicaments, alcool) et certaines conduites à risque (relations toxiques ou non protégées).

Sur quel système de croyance se déploie ce trait ?


« Je suis fou ou folle », « je ne suis pas aimable et ce n’est qu’une question de temps avant que l’Autre ne s’en rende compte », « quand l’Autre saura qui je suis vraiment, il partira », « les relations sont incertaines, les gens sont peu authentiques », « je perçois des choses que les autres ne semblent pas connaître ».

Ce trait s’accompagne de nombreuses croyances ésotériques, mystiques, fantastiques. En effet, l’imaginaire de ce trait est souvent fertile, intéressé par les sciences humaines (psychologie, philosophie) et ouvert à des notions de « connexion », de magie.

L’imminence de l’abandon, qui caractérise les sous-bassements de ce trait, s’accompagne souvent de la croyance en l’existence d’un « Autre idéal et complémentaire » que souvent ce trait recherche.

Cet Autre étant « idéal », il est également effrayant, impliquant que la personne ne se sent pas à la hauteur à chaque fois qu’elle s’en approche : « je dois fuir avant qu’il ou elle s’en aperçoive ».

La personne construite autour de ce trait aimerait se voir autonome et indépendante. Elle peut tenter au cours de sa vie, de se lancer dans une vie ou des activités solitaires qui se couronnent souvent de grandes difficultés.

La solitude est souvent vécue comme ténébreuse et angoissante. Elle est propice au doute, aux ruminations, aux démons.

Ce trait oscille régulièrement entre les visions de Moi « je suis nul.le » et « j’ai des pouvoirs spéciaux ».

D’où cela vient-il ? (Ambiance originelle)


L’apparition de ce trait émerge régulièrement dans un cadre relationnel premier insécure ou évitant.

Absence effective ou seulement possible d’un tuteur, maladie, absences répétées. Le climat relationnel laisse imaginer que les piliers sont peu présents ou peu constants.

Certains traumas tels des abus, des violences peuvent également générer cette construction particulière. Il n’est pas rare de rencontrer un parent atteint de troubles psychiques (dépression, schizophrénie, état psychotique) ou d’addiction.

L’absence de mots, d’explication, de rassurance, amène un climat d’insécurité dans lequel la personne n’est pas parvenue à savoir réellement l’importance qu’elle tenait pour les siens.

Ou les trouvons-nous ?


Ses grandes curiosités et connaissances en sciences humaines, ainsi que sa connaissance souvent intime avec « la folie » ou le désespoir, en font d’excellents accompagnants.

La psychologie, les RH, l’éducation, l’insertion sociale ou la médiation sont des secteurs qui recherchent souvent les compétences et les connaissances du fonctionnement humain, de vigilance des signes de fatigue, de douleur, de marginalisation.

Les métiers artistiques ou à dominante culturelle lui permettent d’exprimer son ouverture, sa créativité et son imaginaire, tel que les métiers de l’animation, de la communication, de l’événementiel.

Quand ce trait trouve stabilité, les métiers oratoires (plaidoyer, conférence, avocat) lui offrent un terrain où sa forte résonance émotionnelle saura captiver, éveiller et convaincre.

En quoi ce fonctionnement est-il difficile ?


L’instabilité des humeurs : pour leurs aspects spectaculaires et bien souvent inattendus, les sauts d’humeurs font partie des comportements réguliers qui rendent difficiles la relation à ce trait.

Les agressions : Il est parfois difficile de conserver notre calme ou de ne pas envenimer la situation quand nous sommes l’objet de critiques douloureuses, répétées ou infondées.

L’hypersensibilité et l’hyperréactivité : « Marcher sur des œufs » est une expression récurrente dans la cohabitation avec ce trait. La mesure du « bon dosage » des propos et des intonations, est souvent source de fatigue.

Les disparitions et l’inquiétude : Les explosions suivies de disparition sont régulièrement source d’inquiétude pour ceux à qui cette personne importe et qui craignent des mises en danger.

La difficulté à terminer : Plusieurs projets ou activités peuvent être en cours de façon simultanée, tout comme une formation ou un mémoire qui n’arrive jamais à son terme.

L’absence de raisons : il est parfois difficile de trouver le motif en cause de tous ces débordements. Les explications manquent souvent de faits ou d’explications rationnelles.

Que faire avec quand nous sommes en relation ?


Repérer la fréquence et les situations de montée en tension : Les cycles d’humeur que traverse ce trait varient d’une personne à l’autre. Il peut être pertinent d’observer ces montées et descentes afin de les anticiper et s’en préserver.

Après chaque friction ou avant une période d’absence, venir rappeler à la personne que la relation n’est pas rompue pour autant et se maintiendra dans le temps. Cela peut simplement s’effectuer en rappelant à la personne notre prochaine rencontre.

Rassurer la personne sur la valeur qu’elle a à nos yeux : En toute honnêteté, mettre des mots sur la vision que nous portons sur la personne et la place particulière qu’elle prend pour nous.

Checker les facteurs de fatigue et les environnementaux d’irritation : au-delà des aspects psychologiques, l’aspect cyclique de ce trait est également à attribuer à des facteurs environnementaux, tels que la météo, la lumière du bureau, l’ambiance sonore, les appareils électriques à proximité.

De même acabit, nous savons désormais que ce trait rencontre régulièrement de plus grandes difficultés pour générer métaboliquement certaines hormones (dopamine) ou fixer certains éléments nutritifs (vitamines, minéraux).

Les apports d’un.e nutritionniste ou diététicien.ne peuvent être très pertinents.

Rationaliser avec fréquence : « quel élément factuel t’as t-il affecté ? » (mot, geste, regard, intonation) permet à la personne de prendre l’habitude de rationaliser ses états en rapprochant les montées émotionnelles avec des faits tangibles, prendre de la distance et dédramatiser.

Valoriser ses potentiels : lui confier des responsabilités de vigilance des autres est souvent un choix judicieux car ce trait totalise souvent une grande connaissance des signes extérieurs de difficulté. Dans ce cadre, il sait souvent trouver les mots pour nommer les maux pour les autres.

Maintenir un cadre : le cadre extérieur (horaire, règle, codes) permet souvent à ce trait de trouver la régularité qui lui coûte de maintenir dans le temps.

Vigilance sur les consommations : qu'elles se matérialisent en termes d’achats ou de produits (médicament, alcool), ces consommations sont utilisées par la personne pour « éteindre » ses sensations d’angoisse.

Une fois calmées néanmoins et quand les angoisses reviennent, elles le font avec plus d’intensité.

Consulter : quand les débordements deviennent envahissants, constants ou inquiétants, proposer l’orientation vers un professionnel du soin (thérapeute, psychologue, coach, psychiatre) nous permet de ne pas porter seul la situation ou la personne et éviter l’idéalisation : « y’a que toi qui me comprends ».

Rôle de la société dans l’apparition de ce trait ?


La confusion régulière que la société occidentale véhicule entre « aimer » et « s’attacher » est peut-être l’une des causes profondes de l’apparition et de la régularité de ce trait.

En effet, dans le cas de l’attachement, les angoisses de rupture ou de perte sont fréquentes. La recherche de « la bonne distance à l’Autre » est alors en tension et la peur (ou angoisse) est régulière.

Dans le cas de l’amour, le lien est vécu comme permanent et inconditionnel, c’est-à-dire « imperdable » quel que soit le temps et l’espace qui sépare les individus.

Dans d’autres cultures, ce trait occupe souvent la place du « mage » ou de la « sorcière » car il caractérise celui ou celle qui assure le pont ou le guide entre la lumière et les ténèbres.

Par ailleurs, à travers les conduites à risques, les provocations, le « jusqu’auboutisme » de ce trait « au bord de la ligne », est souvent le reflet de l’intolérance ou du désespoir ressenti face aux masques sociaux, aux non-dits, aux usages vides de sens.

Les abus sexuels intra ou extra familiaux sont très régulièrement présents dans le passé de ce trait. Soit de façon directe (acte commis par un parent ou un proche), soit de façon « transgénérationnelle » (situation traumatique vécue par un parent ou par un grand-parent).

Quel nom porte ce trait dans d’autres grilles de lecture ?


Il y a quelques années, ce trait était appelé « maniaco-dépressif » dans les cadres psychanalytiques ou psychiatriques.

Selon les auteurs et leurs champs de recherche, il est parfois difficile de différencier ce trait avec le fonctionnement communément appelé aujourd’hui « bipolaire ».

Plus particulièrement « Violet » (tribu, gourou) ou « vert » (interconnexion, univers) dans la grille de la spirale dynamique.

Pour l’aspect « esprit créatif » et le fort besoin relationnel, ce trait peut ressembler au ENFP du MBTI. Dans la même grille de lecture, les ESFP présentent l’énergie, l’enthousiasme et la diversion que ce trait peut parfois incarner.

Les hypersensibilités sont principalement émotionnelles et imaginatives selon la grille de Dabrowski. Dans une grande mesure, on retrouve également de grandes capacités de captation sensorielle.

Le fonctionnement cognitif est plus régulièrement « complexe », c’est-à-dire associant en arborescence de grandes quantités d’informations, très hétéroclites.

Le style d’attachement est dit « désordonnée », c’est-à-dire oscillant entre des temps anxieux (recherche de fusion et de rassurance) et des temps d’évitement de la relation.

Pour aller plus loin


J’ai mal à ma mère, M. Lemay, Fleurus, 1979.

La personnalité borderline, V. Charlot et J. D. Guelfi, les personnalités pathologiques, P141 à 149, Lavoisier, 2013.


La semaine prochaine, nous parlerons du trait « narcissique ».


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